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Billet d'humeur N°22
Le fléau de l’entrepreneur en carton
J’ai trop d’admiration pour ceux qui bâtissent vraiment, qui prennent des risques, qui créent des emplois, qui servent des milliers, des millions de gens avec leurs idées.
Mais p***, il s’est passé quoi…


Billet d'humeur N°22
Le fléau de l’entrepreneur en carton

J’ai trop d’admiration pour ceux qui bâtissent vraiment, qui prennent des risques, qui créent des emplois, qui servent des milliers, des millions de gens avec leurs idées.
Mais p***, il s’est passé quoi…
Quand j’avais 18 ans et que je disais en boîte que j’étais entrepreneur, on me demandait si j’étais dans le bâtiment.
À l’époque, être entrepreneur, c’était être personne.
J’étais nul à l’école, pas parce que je l’avais décidé, mais parce qu’on m’avait fait croire que je l’étais.
Alors, j’ai cherché autre chose. Un truc d’outsider.
Un terrain où personne n’allait, parce que moins il y avait de monde, moins il y avait de compétition.
L’informatique m’est tombée dessus comme une évidence.
J’avais 14 ans, un IBM PS1, et la sensation grisante de savoir des choses que les autres ignoraient.
Enfin, j’avais trouvé un endroit où je n’étais pas un cancre, où les geeks s’épanouissaient avec leur mode, leur culture, leurs idoles, loin de la mascarade sociale et intellectuelle qu’était la quête d’approbation des gamins.
Puis j’ai découvert ces génies, ces marginaux qui avaient trouvé leur route… Non, qui avaient carrément créé leur propre route. On les appelait des entrepreneurs.
En France, je regardais Capital avec Emmanuel Chain qui balançait son « C’EST CAPITAL ! » et me montrait des hommes bâtir des empires, façonner leur propre monde.
Ils choisissaient leurs équipes. Ils choisissaient leurs clients. Ils créaient quelque chose de réel.
J’ai découvert des dirigeants de TPE, de PME, des histoires de bâtisseurs et d’autres visionnaires, et je me suis lancé.
Tôt. Très tôt. Mon premier business avait démarré avant mes 14 ans, mais on s’en fout.
25 ans plus tard, après les échecs, les succès, les nuits blanches, les premiers millions, les prud’hommes injustes, les contrôles fiscaux, les vacances ratées, les recrutements, les clients heureux, les clients déçus… Ce qui me marque le plus, ce n’est rien de tout ça.
Ce qui me marque, c’est ce putain de sentiment qu’on a salopé ce mot.
Entrepreneur.
On l’a vidé de son sens.
On en a fait un produit, un costume à enfiler, un truc qu’on vend en formation sur Instagram avec des décors de cinéma.
Une marque qu’on s’appose pour obtenir une approbation sociale…
Celle que j’ai fui il y a des décennies, bordel.
Les entrepreneurs en carton se sont emparés du jeu, avec leurs bureaux dignes d’un film et leurs phrases creuses qui font hocher la tête à des milliers d’aveugles.
Et le pire ?
C’est qu’on me dit que je devrais jouer à ça aussi.
Que je devrais rentrer dans cette danse, faire semblant, entretenir l’illusion.
Et franchement, j’en ai parfois tellement marre que je me dis que je vais tout arrêter.
Je pourrais. J’ai de quoi vivre. Je place mon fric, je fais du consulting pépère et basta.
Mais bordel…
J’aime trop ce mot.
J’aime trop l’entrepreneuriat.
J’ai trop d’admiration pour ceux qui bâtissent vraiment, qui prennent des risques, qui créent des emplois, qui servent des milliers, des millions de gens avec leurs idées.
Alors aujourd’hui, on a des gars qui passent à la télé et qui te sortent leur discours sur les grandes écoles c’est pour les riches, moi je viens d’en bas.
"Ouais, bah moi aussi. Et après ? Je me la suis payée tout seul 10 ans après, alors arrête de chialer."
Et puis il y a les autres. Ceux qui te vendent leur business bancal, du dropshipping à la crypto en passant par les illusionnistes qui vendent du vent.
Ou la gentria LinkedIn, ces nouveaux faux modestes qui enrobent leurs pseudo-réussites d’un storytelling dégoulinant et niaiseux pour polir leur réputation et être des wannabe jobs.
Et au milieu de tout ça, j’imagine si j’avais 18 ans aujourd’hui en 2025...
Si je gobais tout ça sans recul.
Je me dis putain, mais je serais devenu quoi ?
Un voleur de poules numérique à Dubaï ?
Un récit inutile pour obtenir une approbation sociale et me faire passer pour quelqu’un.
Pas loin, je pense…
Et quand je pense à tous ceux qui ont succombé à ces discours…
- Alors que la vraie information existe.
- Qu’elle n’est pas aussi rose qu’on veut le faire croire, mais qu’elle est là.
- Que c’est possible. Dur, mais possible.
- Avec du travail, mais possible.
Un de mes amis me disait dernièrement :
« Mais toi, tu devrais parler. »
Pour quoi ? Pour qui ?
Pour leur ressembler ?
Oh là là là…
Mais tout le monde est "entrepreneur" maintenant… À quoi ça pourrait servir ?
Ma petite nièce de 10 ans me dit qu’elle voudrait bien faire comme tonton et vendre ses jolis produits faits main et avec amour (porte-clés et marque-pages… elle a 10 ans !).
Alors je réfléchis, je réfléchis…
Je me dis : au moins, la starification de l’entrepreneuriat a eu le mérite de créer des vocations.
(Ou peut-être que ma mère n’a fait que lui répéter : « Appelle tonton ! »)
Mais tous ceux qui veulent entreprendre, que ce soit pour chercher de l’or ou vendre des pelles, doivent être accompagnés.
Et là, je me demande : quels seront les modèles d’entrepreneurs que ma petite nièce va suivre… ?
Ce n’est pas juste une question de vendre des pelles.
Pour ceux qui ne connaissent pas l’histoire, on utilise souvent cette métaphore pour pointer du doigt ceux qui préfèrent vendre des outils plutôt que de chercher de l’or eux-mêmes, tout en s’enrichissant sur le dos des rêveurs.
Je n’ai rien contre les vendeurs de pelles...
Vendre une bonne pelle, ça permet de creuser plus vite pour trouver de l’or.
On a besoin des doctorants des grandes écoles pour théoriser des principes.
On a besoin des rebelles pour casser les codes et créer de l’innovation.
On a besoin de ceux qui se lèvent le matin et créent le commerce de tous les jours.
On a aussi besoin de ceux qui fabriquent de bonnes pelles, car l’entrepreneuriat est une aventure à laquelle il faut se préparer.
Mais ...
J’en ai après ceux qui vendent la carte au trésor sans jamais y être allés.
Et pire : qui racontent l’histoire comme s’ils y étaient...
J’aimerais inventer quelque chose qui aille dans le bon sens.
Quelque chose qui permette à mon moi de 14 ans, ou ma petite nièce de 10 ans dans cette époque compliquée, de trouver des informations fiables.
Et de croire, comme je l’ai cru à cet âge-là, que entrepreneur voulait dire bâtir.
Alors je fais quoi ?
Je la ferme et je les laisse tuer ce que j’aime ?
Comme le disait si bien Steve Jobs dans son discours adressé à tous les fous, les marginaux, les rebelles, les fauteurs de troubles, ceux qui n’aiment pas les règles et qui n’ont aucun respect pour le statu quo.
Il faut, plus que jamais, donner à ceux qui veulent bâtir le courage de penser différemment.
À tous les fous, les marginaux, les rebelles, les geeks, les commerçants, les fauteurs de troubles, les rêveurs, ceux qui bâtissent et qui continuent à véhiculer ce qu’est l’entrepreneuriat avec un grand E :
Vous n’êtes pas seuls.
Jean-Christophe Bonicard
